22.10.07

L'homme est un chien comme les autres

Samedi après-midi, Galerie 1, au dernier étage de Beaubourg, l'exposition Víctor Erice - Abbas Kiarostami Correspondances, qui jouxte l'Atelier de Giacometti, est déserte.

Après – ou avant, les Correspondances peuvent se parcourir dans les deux sens – la Forêt sans feuilles, cœur fabuleux et chantant de la visite, l'appel de la mer. Dans une des salles de cinéma tapissées de noir, aménagées pour l'occasion, est projeté Five long takes dedicated to Yasujiro Ozu, d'Abbas Kiarostami.

À l'écran, une des cinq parties de cet hommage : un plan fixe sur une mer pâle, presque indistincte d'un ciel de coton. Au loin, sur le rivage, quelques chiens en groupe. Des petits rouleaux se déroulent doucement sur la plage d'opale avec un bruit régulier. Avec d'autres visiteurs, je m'assois sur les gradins et suit le mouvement paisible des vagues, captivé par la lenteur du rythme et l'immobilité de la vue à peine perturbée par le déplacement d'un chien à la périphérie de ma vision. Le temps se ralentit, la lumière semble blanchir encore, la frontière entre la plage et la mer, la mer et le ciel devenir plus indiscernable.

Et, tout d'un coup, finalement, l'ombre d'un chien attire mon regard. Il se redresse, contourne le petit groupe, sa tête toujours tournée vers l'horizon, et s'allonge dans une nouvelle position à côté de ses congénères. Deux autres sont couchés, un troisième est assis. Tous les quatres font face aux vagues.
Comme nous, ils regardent la mer.
Puis disparaissent dans la blancheur du plan, et laisse la place à une promenade cadencée d'oies et de canard sur une autre plage…

16.10.07

Fumeur

Ils poussent la porte de la Rennaissance portant à bout de bras, entre eux deux, un couffin.

— «Vous avez un espace non-fumeur ?, demande la femme au garçon qui s'avance. Et, en jetant un regard plein d'espoir loin de ma cigarette : peut-être une petite salle dans le fond ?…»
— « Non, le restaurant est entièrement fumeur», explique le second serveur depuis le bar.

Elle secoue sa masse de cheveux bouclés en répétant «ça va pas être possible. Non, c'est pas possible», et pousse du couffin son compagnon silencieux vers la sortie.

Ils s'éloignent sur le trottoir, sans un mot, toujours partageant le poids du bébé qui guide leur pas vers une zone mieux protégée de la vie.

6.10.07

Concert à l'étouffée

Vendredi 28 septembre, concert aux Instants chavirés.
En première partie, John Wiese, «figure incontournable de la scène noise américaine, selon le programme, largement porté sur le côté harsh strident» !

Alors que les "sons" défèrlent, je crois distinguer, dépassant de l'oreille d'une jeune femme assise devant moi, une boule Quiès en mousse jaune. À l'interruption, comme elle rejoint un trio d'amis qui parlent de ce fracas rocailleux de musique électronique, elle confesse ne pas pouvoir faire vraiment de commentaires : «dès les premières secondes, j'ai mis mes boules Quiès. Je les emporte toujours en concert. Pour des premières parties comme celle-là. Je ne supporte pas. Et puis j'ai peur de m'abîmer les oreilles.»
Son compagnon explique alors au couple d'amis, qui masquent difficilement leur surprise, que lui aussi a mis les siennes au début de la cession mais, après en avoir doucement retiré une, les a finalement enlevées.

Comme je m'éloigne en songeant à cette manière étouffée d'écouter cette musique jouant sur les bruits discordants, et inquiète d'aller aux concerts, la jeune femme, répondant à une question qui n'est pas parvenue jusqu'à mes oreilles, s'exclame, avec un rire gêné : «On les lave à chaque fois…»